Du sanctuaire gaulois à l’édifice en pierre
Seul témoin du passé, l’histoire de notre église se recoupe naturellement avec celle du village. La période antique puis gallo-romaine jusqu’aux environs du VIe siècle, pose des hypothèses à défaut de certitudes.
Comme dans tous les villages, il a dû exister un sanctuaire d’abord gaulois puis gallo-romain, un de ces petits temples campagnards appelé « fanum ». Consacré aux cultes païens gaulois, puis gallo-romains, il devait déjà se dresser à la place de notre église actuelle, hypothèse étayée par la découverte des substructures d’un de ces petits temples dans les ruines de l’église de Menneville après la guerre de 1914-1918.
Du VIe au XIe siècle, les dynasties mérovingienne et carolingienne vont voir l’édification d’une petite église de bois à la place du temple païen. Cette période correspond à la christianisation des campagnes. Dans notre région proche de Reims, le prestige du grand évêque Saint Remi a dû assurer une propagation plus rapide à la religion chrétienne que dans d’autres régions où le paganisme a reculé plus lentement.
Au XIe siècle débute la période où commence l’édification d’une autre église, de pierre cette fois. L’église de bois n’a pu résister aux siècles troublés (entre le VIe et le XIe siècle), qui avaient vu le déferlement des invasions barbares venues de l’est puis du nord. Elle a dû être plusieurs fois brûlée ; une reconstruction s’impose. La grande peur des catastrophes que devaient amener l’An Mille s’étant révélée vaine, un grand élan de foi a été à l’origine de l’édification de multiples églises et cathédrales.
Une église de pierre va donc être édifiée : celle que nous voyons actuellement, qui n’est cependant pas la copie conforme de l’ancienne. Les différences extérieures portent sur la partie ouest avec son portail d’entrée et sur les tourelles. D’anciennes cartes postales d’avant 1914 en restituent l’aspect originel, fort semblable à l’église de Brienne-sur-Aisne (Ardennes), qui elle, a conservé son aspect primitif. Cette ressemblance n’est pas fortuite. Il est fort probable que le plan des deux églises fut exécuté par le même architecte et la commande faite par l’Abbaye de Saint-Hubert (diocèse de Liège en Belgique).
Ces moines de Saint-Hubert possédaient un domaine agricole à Évergnicourt, au milieu duquel ils avaient fait construire un prieuré destiné à l’administration du terroir qu’ils possédaient dans notre région auquel s’ajoutaient Brienne, Guignicourt, Prouvais, Proviseux, Menneville, Pignicourt et Juvincourt. La construction de l’église ne fut achevée qu’au début du XIIIe siècle. C’est donc un édifice de transition avec des éléments romans puis gothiques. Des textes font état d’une petite résidence de moines à Guignicourt, une collégiale de six moines au moins, ce qui justifierait l’existence de six petites chapelles à l’intérieur de l’église. Comme cela se pratiquait à l’époque, on attribue la construction du chœur, la plus belle partie de l’édifice, à l’Abbaye de Saint-Hubert et la nef aux habitants.
Si l’église primitive était un peu différente extérieurement de celle d’aujourd’hui, elle l’était aussi intérieurement. Elle n’avait en effet, ni voûte, ni plafond, mais une charpente apparente. Alors, la rosace d’une dimension considérable située à la partie supérieure du portail se trouvait entièrement dégagée. Ainsi se dressait-elle comme aujourd’hui sur ce tertre, sans doute artificiel, fait des remblais des édifices détruits antérieurement. Au XVIIe siècle, l’église va subir de graves dommages par suite de la guerre de Trente Ans (1618-1648) sous le règne du roi Louis XIII et de son ministre Richelieu, avec pour principal adversaire, l’Espagne. À cette époque, les possessions espagnoles jouxtent la France, la frontière étant au village de Larouillies près d’Hirson. Notre petite région fut occupée par les Espagnols et eut beaucoup à en souffrir, ainsi que de la Fronde, révolte des grands seigneurs contre le roi durant cette même période. C’est alors que la nef de l’église fut brûlée. Elle fut reconstruite à une date que nous ignorons, mais sûrement dans les plus brefs délais, pour éviter « l’interdiction » de célébrer le culte. La charge en incombait aux habitants. Le seigneur du village, alors Louis de Bezannes, a pu participer à cette reconstruction. À cette époque, il ne devait plus y avoir de chapelle particulière au château. Le châtelain et sa famille allaient entendre la messe à l’église du village.
Quant au chœur, ayant sans doute, lui aussi souffert des événements guerriers, un plan de 1670 fait état de « visiteurs », hommes de métier, venus à la demande du prieur d’Évergnicourt donner leurs avis sur l’état du lieu. Leurs remarques sont consignées par écrit sur ledit plan. En 1671, le beau jubé en bois sculpté fut remplacé par une chaire, également en bois, adossée après le premier pilier de la nef côté sud.
Après sa restauration du XVIIe siècle, (reconstruction de la nef et rénovation du chœur), l’église affronte à nouveau le temps, non sans dommages. Un document fait état en 1750-1755 d’une contestation entre la communauté de Guignicourt et le collecteur d’impôts au sujet de la levée de 200 livres pour la réfection de l’église. Aucun écrit n’a été trouvé nous indiquant la suite de cette affaire.
Durant les années révolutionnaires, il semble que l’église n’ait pas eu à subir de mutilations, car considérée jusqu’en 1793 comme bien étranger du fait de son appartenance à l’Abbaye belge de Saint-Hubert. En particulier, elle ne fut pas amputée de son clocher comme cela advint à l’église de Prouvais (26 mars 1794). Mais en 1795, lorsque les armées françaises eurent annexé le territoire belge qui deviendra le département de Sambre et Meuse pendant plusieurs décennies, le gouvernement révolutionnaire confisqua les objets précieux de l’église : calice, ciboire, dessus de soleil et vases aux huiles. Aucun document ne signale une quelconque restauration au cours du Premier Empire.
En revanche, sous le Second Empire, des documents relatent qu’en 1856, la nef et les voûtes qui n’avaient qu’une charpente en bois purent être voûtées grâce à un don de l’empereur Napoléon III. Ce don permit aussi d’ajouter une troisième cloche dans le clocher.
En 1870, la guerre éclate entre la France et la Prusse de Bismarck, fondateur de l’unité allemande. Dès les premiers jours de cette guerre, notre village est envahi mais on ne signale aucune destruction de l’église. Après 1870 et jusqu’en 1914, d’anciennes cartes postales nous permettent de nous rendre compte que l’aspect de l’église était quelque peu différent de celui qu’elle nous offre actuellement. À la fin de la guerre 1914-1918, le village fut entièrement détruit et l’église n’était plus qu’une ruine.
L’église reconstruite
Croyant en hâter sa reconstruction dans son architecture primitive, le Conseil Municipal émet un avis favorable au classement de l’église comme monument historique. Ce classement est décidé par un arrêté ministériel du 10 février 1921 ; finalement, sa reconstruction ne débute qu’en 1931 et le baptême des cloches a lieu le 25 septembre 1932. L’entrée principale a été sérieusement modifiée et refaite dans le style « Art déco » de l’époque. Certains de nos Guignicourtois d’alors, n’apprécièrent pas ces modifications et par dérision, qualifièrent cette façade de « fer à repasser ». En outre, le volume de la nef fut modifié ainsi que les tourelles. Mais, dans l’ensemble, l’église d’aujourd’hui est presque la sœur jumelle de celle d’antan. Le maximum de pierres anciennes, surtout celles sculptées, ont été englobées dans la construction par le maître d’œuvre.
Notre église aux proportions harmonieuses est soigneusement entretenue de nos jours. Depuis 1979, un éclairage approprié permet, chaque week-end d’en souligner la beauté.
La chapelle
Cette chapelle se trouvait anciennement dans l’enceinte du château. En 1835, le Comte Hérard de Nazelle, qui en était alors le propriétaire, entreprit des travaux de transformation, et supprima cette chapelle. Elle fut réédifiée par la suite, dans le cimetière qui entourait l’église, suivant l’usage.
Cette chapelle était composée de deux bâtiments accolés, dont l’un était surmonté d’une coupole en briques. Sur le fronton du premier bâtiment, plus bas que le deuxième, se trouvaient une croix et la formule : « Christo Redemptori » avec, en chiffres romains la date de la construction, soit MDCCCXLVIII (1848).
Dans cette ancienne chapelle, bon nombre des membres de la famille étaient inhumés. La chapelle ayant été détruite comme l’église, durant la guerre 1914-1918, la famille de Nazelle obtint le droit de la reconstruire. C’est donc cette chapelle que nous voyons actuellement, tout à fait différente de celle primitive.
d’après les notes de Mme Jacqueline THOURAUD-VALANTIN
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.